THEME 4 - RETOUR D'EXPERIENCE : DIAGNOSTIC, SURETE, RISQUE ET GESTION DES OUVRAGES ET DES SITES

Thème 4

RETOUR D'EXPERIENCE :

DIAGNOSTIC, SURETE, RISQUE ET GESTION DES OUVRAGES ET DES SITES

L'animation générale du thème 4 et la rédaction du rapport de synthèse ont été assurées par Daniel BOISSIER et Laurent PEYRAS, sachant que par ailleurs, chacun des membres du thème 4 a contribué activement aux travaux, aux relectures et à la mise au format de ce document

Les animateurs du thème 4 tiennent ici à remercier les membres de ce groupe pour leur participation active et constructive et pour l'intérêt qu'ils ont porté à ce travail.

Rappel des objectifs

Les différents acteurs du génie civil s'accordent sur la nécessité de capitaliser les données du retour d'expérience afin de pouvoir les valoriser pour le diagnostic et l'analyse de risques de défaillance des ouvrages et des sites.
Après avoir fait ce constat de consensus, une problématique de recherche apparaît rapidement : Quelles données faut-il capitaliser ? Sous quel format ? Comment s'assurer de la qualité et de la complétude des informations à sauvegarder ? Quel traitement doit-on donner à ces données ? Quelle valorisation peut-on envisager ? En particulier, un point sensible est celui de l'analyse des retours d'expérience pour en déduire les scénarios et les mécanismes en jeu.

Les travaux proposés - champ thématique couvert

Il est important de connaître l'éventail des approches disponibles, leurs contextes d'application et de validité, les résultats qui peuvent être attendus et leurs limites. Les acteurs impliqués dans ce thème représentent donc différents secteurs du génie civil où le retour d'expérience revêt une importance particulière, et couvre l'essentiel des utilisations : aide à la gestion d'un patrimoine, aide à l'expertise, détermination des niveaux de sécurité...

Les pratiques de ces acteurs sont également représentatives des différents modes de gestion des informations liées au retour d'expérience : expertise, fiabilité, mécanique, statistique. Les acteurs universitaires présents dans ce groupe apportent une vision plus transversale de ces préoccupations et recherchent dans un premier temps la présence d'invariants dans ces démarches.

Les actions réalisées en 2003-2004

Le groupe de travail s'est réuni à trois reprises. Les exposés et échanges ont permis d'illustrer la diversité des pratiques et d'élaborer une classification des pratiques.

Le groupe a souhaité rédiger un rapport de synthèse relatif au retour d'expérience en génie civil, en se plaçant principalement dans le contexte de gestion d'ouvrages en service. Les trois étapes de l'utilisation du retour d'expérience ont été examinées :


- le recueil des données ;
- le traitement des données ;
- la valorisation du retour d'expérience.

En ce qui concerne le recueil des données du retour d'expérience, on a mis en évidence une classification selon la nature de l'information. On distingue :


- les données du retour d'expérience basées sur l'expérimentation (essais en laboratoire ou in situ, sur ouvrages réels ou modèles réduits, modélisation numériques et simulations). Elles sont obtenues dans les contextes d'ouvrages produits en série (produits préfabriqués) ou, a contrario, d'ouvrages à caractère unique soumis à des sollicitations extrêmes (ouvrages en montagne) ;
- les données du retour d'expérience basées sur l'auscultation (visuelle ou instrumentée). Elles sont obtenues par analyse systématique (cas des réseaux à grands linéaires tels que les chaussées et les réseaux enterrés) ou par analyse experte et consistent en des inspections visuelles réalisées par des agents spécialisés ( cas par exemple des ouvrages d'art relevant du parc de la SNCF ou encore des barrages).

Le traitement des données du retour d'expérience peut s'opérer selon deux approches : les approches analytiques (incluant les traitements physique et fiabiliste) et les approches systémiques (incluant les traitements par les statistiques ou par l'expertise).


L'approche physique consiste à intégrer les données du retour d'expérience (données issues de l'expérimentation ou de l'auscultation instrumentée) dans des modèles physiques de comportement ou d'états-limites. Il s'agit de l'approche traditionnelle en génie civil, qui est mise en pratique dans le domaine des ouvrages de montagne (expérimentation puis traitement dans un modèle d'endommagement).
L'approche fiabiliste du retour d'expérience est un traitement particulier de l'approche physique. Elle nécessite des données abondantes, complètes et précises, et des modèles physiques des ouvrages relativement simples. Elle est illustrée par la pratique dans le domaine des structures préfabriquées en béton ou encore des ouvrages Offshore et du génie civil nucléaire. Dans cette rubrique, indiquons que le génie civil bénéficie de quelques 30 années de retour d'expérience appliquées à la justification des ouvrages d'art et des bâtiments par les méthodes semi-probabilistes.
L'approche par les statistiques est utilisée dans les secteurs où les données sont abondantes, mais où il est difficile d'obtenir un modèle physique de comportement du système. On recherche alors les corrélations entre les données du retour d'expérience et un certain nombre de facteurs explicatifs. Cette approche est adoptée dans les ouvrages à grands linéaires, tels les chaussées ou les réseaux enterrés.
L'approche experte est mise en œuvre dans des contextes d'ouvrages hétérogènes, mal connus présentant peu d'informations. Par référence aux données du retour d'expérience, l'expert est à même alors d'obtenir une aide pour réaliser ses missions. Le domaine des barrages et des ouvrages de la SNCF illustrent bien cette approche.
Enfin, la fusion des données est une approche d'homogénéisation des informations du retour d'expérience, qui permet de prendre en compte tous les types d'informations (expertise, industrielle, expérimentale...), d'évaluer leur qualité et de les fusionner. Elle est mise en œuvre dans le domaine de la gestion de projets de génie civil et de l'analyse de cycle de vie de produits du bâtiment pour l'évaluation de leur durée de vie. Cette approche permet d'intégrer dans les processus de décision des données qualitatives, quantitatives entachées d'incertitudes, incomplètes et imprécises.

Nous avons classé la valorisation du retour d'expérience selon un axe temporel correspondant à la vie d'ouvrages de génie civil en trois domaines d'application : le diagnostic, l'évaluation de la sûreté et la prévision des évolutions. Un autre choix de classification aurait consisté à distinguer les approches performantielles et patrimoniales.


En diagnostic, les données du retour d'expérience vont permettre de déterminer l'origine des défaillances d'un système. Cette démarche est mise en œuvre dans le domaine des barrages et dans le cadre d'une approche experte.
En évaluation de la sûreté, les données du retour d'expérience visent à évaluer la fiabilité, le niveau de protection ou encore d'apprécier l'état d'un ouvrage. On rencontre différents domaines du génie civil où les données du retour d'expérience sont utilisées à ces fins. Ainsi, dans le secteur des produits préfabriqués en béton, les données du retour d'expérience permettent d'obtenir directement la fiabilité des structures, compte tenu de la complétude et de la précision des informations disponibles. Dans le domaine des ouvrages en montagne, on recherche à évaluer quantitativement, par approche physique, les endommagements suite aux chocs, et donc par cela même, la sécurité intrinsèque des ouvrages. Dans le cas des réseaux d'eau potable enterrés, les traitements statistiques des données permettent une prévision de l'état des canalisations.
Enfin en prévision des évolutions, on trouve deux domaines d'application : la gestion patrimoniale et l'analyse de risques. Là aussi, le traitement des informations (statistique ou expertise) est directement lié aux données disponibles : abondantes ou pas, complètes ou incomplètes, précises ou imprécises. Toutefois, on constate que les approches statistiques sont utilisées généralement dans la gestion patrimoniale des ouvrages, à l'instar des domaines des ouvrages de la SNCF, du parc de chaussées ou des réseaux enterrés. En revanche, les approches expertes sont plutôt réservées à l'analyse de risques, à l'instar des barrages.

Cette synthèse met en évidence une tendance générale à la formalisation des informations du retour d'expérience dans le but de capitaliser les données. Pour certains organismes tels la SNCF, le CSTB et le Cemagref, les pratiques constatées visent en outre à pérenniser le savoir et le savoir-faire des experts seniors, ceux qui ont conçu les ouvrages qu'il s'agit maintenant de gérer dans les meilleures conditions de sécurité et au meilleur coût.

Conclusions et perspectives

Trois conclusions fortes ressortent du travail réalisé dans ce thème.

1) Enjeux de la capitalisation
La capitalisation de l'expertise est d'un grand enjeu pour les différents organismes qui ont une pratique quotidienne du recueil d'expertise et de son exploitation et qui souhaitent continuer à pouvoir utiliser cette expertise en aide à la décision. Or, une part de cette expertise se dilue, disparaît avec l'arrêt d'activités des experts, avec les nouvelles organisations et les restructurations des organismes.

2) Les pratiques de recueil, d'exploitation et d'utilisation de l'expertise sont fortement différentes d'un organisme à l'autre.

3) L'expertise est peu valorisée en formation des ingénieurs car elle est rarement élicitée et explicitée.

De ces conclusions le groupe de travail a dégagé les perspectives suivantes :

1) Nécessité de mise en place d'un langage de description et d'un format communs aux champs d'expertise du génie civil.

2) Nécessité de création de structures de bases de données selon les formalismes définis à l'alinéa 1 et contenant :


a. Des descriptions théoriques des phénomènes et de leurs scénarios d'occurrence,
b. Des historiques d'évolution et/ou d'accidents,
c. Des outils et méthodologies d'évaluation pour le diagnostic et l'analyse de risques.


3) Nécessité d'alimenter ces bases de données et de les faire vivre pour et par l'usage des professionnels mais aussi en tant que bases pédagogiques pour les futurs ingénieurs.



Mis à jour le 22 janvier 2013.
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